C’est ainsi qu’il accueillit Laetitia l’animatrice du Rés’eau sagne de la Montagne Noire audoise, avec son air bourru d’ours mal léché dont la réputation faisait trembler la montagne. Histoire de la tester.
Mais c’était sans compter sur le sourire de Laetitia qui s’est tout de suite empressée de penser : "Oh cet homme là c’est sur je vais l’aimer !".
Parce que oui, derrière la façade abrupte, le mauvais caractère apparent se cachait un homme d’une rare intelligence, d’une sensibilité hors du commun, un homme dont il fallait gagner la confiance et qui maniait le second degré avec gourmandise. Mais il fallait pas lui en compter des simagrées, des "y a qu’à faut qu’on", des "vous devez faire comme-ci, vous devez faire comme ça". Non Claude y avait pas intérêt à lui causer comme ça. Claude il était comme ses tourbières, il avait mauvais caractère. Oui mais seulement avec ceux qui ne prenait pas le temps de le connaitre, avec ceux qui voulaient lui apprendre la vie, avec ceux qui le prenait pour un con !
Exilé dans la Montagne Noire audoise, ce lozérien d’origine bichonnait ses sagnes qui lui rappelaient sa Lozère natale. C’est sur qu’elles n’étaient pas aussi belles que les tourbières de son pays natal, mais quand même... il savait qu’elles comptaient et que tous les vendeurs de tuyaux de drainage n’avaient qu’à se tenir à carreaux, loin de sa ferme, s’ils ne voulaient pas réveiller les foudres de sa colère. Tout comme les vendeurs de prime qui voulaient lui expliquer comment s’en occuper.
Claude ressemblait tellement aux sagnes. Mal aimées par ceux qui ne prennent pas la peine de les connaitre, de les comprendre, de ceux qui restent à la surface des choses, des paresseux qui se contentent de se fier aux apparences.
Claude nous a quittés bien trop tôt, nous laissant orphelins d’une grande sagesse paysanne, d’une intelligence rare, d’une clairvoyance souvent dérangeante mais ô combien nécessaire.