Nos publications
La langue des sagnes
Récit qui raconte les 20 ans d’aventure autour de ces fameuses sagnes, ces zones humides si incroyables qu’elles en transforment les hommes et femmes qui se prennent à les aimer. Une histoire d’écologie souriante.
Si je vous dis « Tarn », « zones humides », « conflit », et si vous suivez l’actualité, vous allez spontanément répondre « Sivens ». « Sivens », du nom de cette tragédie qui a vu tomber sous une grenade des forces de l’ordre, un jeune homme innocent venu défendre une zone humide contre un projet de barrage.
Et pourtant…
A seulement quelques kilomètres du lieu de ce terrible drame, dans ce même département du Tarn, il se passe bien autre chose. Une bande de citoyens quelque peu « hors-normes », entreprend depuis une vingtaine d’années de préserver les zones humides, « les sagnes » comme ils disent, dans la joie et la bonne humeur. Loin des tristes anathèmes, des dogmatismes et autres discours idéologiques démoralisants, ils pratiquent une écologie souriante et responsable, qui a le don de rendre les gens heureux.
Parce que les « sagnes » c’est avant tout, une grande histoire d’amour…
Une histoire revigorante, à partager pour bousculer les certitudes paresseuses et agit à son tour.
Récit témoignage
352 pages
Format Poche : 11 x 18 cm
Prix : 7,50 €
n° ISBN : 978-2-9564914-1-5
Edition : Rhizobiòme
Auteur : Céline RIVES-THOMAS
Impression : Imprimerie Couleurs d’Autan – Castres
Ce livre est actuellement épuisé. Nous envisageons une réédition sans pouvoir pour le moment envisager une échéance précise. Patience…
Les pensées d’une vieille dame de 5000 ans.
Regardez-les comme ils se chamaillent à cause de moi. Qui auraient cru que je puisse faire l’objet d’un tel affrontement ? Moi dans un tribunal ! Moi une vieille dame de 5 000 ans, je dérange encore. Je devrais trouver ça très flatteur, mais au fond ça me rend triste. Je suis née ici il y a bien longtemps et nous avons grandi ensemble. Je les ai vus tous ces hommes s’installer sur ces montagnes. D’abord pour y chasser et y cueillir de quoi survivre, et puis s’y installer définitivement. C’est d’ailleurs là que tout a vraiment commencé pour moi.
Je me suis installée dans des petits creux confortables du relief. Ici la pierre est dure et imperméable, alors l’eau reste dans les creux et ne s’infiltre pas, et ça, ça me plait. Le matelas rocheux sur lequel je m’étale est vraiment ancien. Il a ce parfum délicieux que j’adore, ce petit gout d’acide qu’il a remonté des entrailles de la terre. Granite ou gneiss, je le savoure. Ces petits creux humides et acides n’attendaient que moi. Je suis née là. Et quand les hommes ont commencé à couper les arbres, ouvrir les forêts pour faire des champs, mettre de la lumière dans les petits creux froids et humides, j’ai commencé à grandir. La grande majorité des plantes d’ici n’apprécient guère avoir les pieds dans l’eau froide. Mais il en est certaines, parfois venues de loin, qui ont trouvé là leur bonheur. Des petites plantes qui supportent avec délectation ces conditions que les autres fuient. Il faut être un peu original, en ces terres du midi, pour apprécier de tels lieux. Ou bien venir de loin. Loin dans le temps. Quand le climat s’est réchauffé il ne restait plus que ces petits trous froids pour celles qui ont besoin d’avoir les pieds dans l’eau. Elles sont restées là. Loin dans l’espace. Le vent peut porter les graines depuis très loin, depuis des contrées plus mouillées et plus froides et c’est chez moi qu’elles trouvent leur refuge, en ce pays chaud. Et toutes ces belles ont fait leur vie ici, et se sont éteintes de leur belle mort pour se déposer dans mon ventre plein d’eau acide et froide. Au début, à l’air libre, leur petit corps a commencé à se décomposer, puis s’est enfoncé dans l’eau. Nul insecte, nulle bactérie, nul champignon n’est alors venu digérer ces restes de carbone éteint, pour la bonne raison qu’ici, il n’y a pas d’oxygène. Les petits corps de plantes sont restés là, en l’état, fossilisés, ils se sont accumulés. Lentement. Très lentement. Et peu à peu, dans cet inexorable mouvement, mon corps a pris forme. Ma chair est faite de cette matière accumulée depuis 5000 ans et que les hommes appellent « tourbe ». Me voilà baptisée du joli nom de « tourbière ». Et elle en sait, elle en sait des histoires ma chair de tourbe. Mais que s’est-il passé entre vous et moi ? Autrefois, vous me bichonniez. C’est le petit que vous envoyiez garder les vaches chez moi pour qu’elles me fassent la coupe, pour qu’elles me fassent belle. Parfois c’était le grand-père qui les amenait. Parfois c’était tous les deux. J’aimais les entendre rire. La voix du vieil homme qui disait au petit, « regarde, regarde cette fleur, elle fait du coton » « du coton papi, ici ? » « et oui ici, et là regarde cette mousse, on pourrait en faire un pansement. La vieille guérisseuse, elle en prend parfois pour soigner les plaies ». Régulièrement, ils prenaient la houe pour me gratter le dos et retracer les petits chemins de l’eau. Mais aujourd’hui, le vieil homme est mort et l’enfant est parti loin, faire les études ou travailler à l’usine. Vous n’avez plus le temps pour moi. Vos grosses machines sont trop lourdes pour moi. Alors vous avez changé de regard. Je suis devenue un objet étrange, voire hostile, dérangeant dans votre modernité. De légitime et utile je suis devenue un poids, un vrai emmerdement. Vous avez bien tenté de me contraindre, mais bon, c’était mal me connaître. Alors de guerre lasse, ou vexés, vous m’avez abandonnée. Pire vous n’avez plus pu me regarder en face, je suis devenue le témoin de votre impuissance, de votre échec, et les broussailles qui m’envahissent malmènent votre idéal de « maîtres et possesseurs de la Nature ». Je suis moche et pas propre, comme vous dites.Vous me négligez, et me voilà avec une tête de sorcière échevelée. Je ressemble à une veille rasta couverte de dreadlocks, c’est d’un genre ! Quand même. De quoi j’ai l’air moi ? Après tu t’étonnes qu’on ne m’aime pas. Je ne rentre plus dans vos canons de la beauté bucolique. Quand vous voulez me traverser désormais c’est le parcours du combattant. Vous faites trois pas, vous tombez deux fois, vous vous tordez les chevilles et pestez à chaque chute. Ben oui, voilà ce qui arrive quand on ne me soigne pas pendant des années. Je deviens acariâtre.Bon, je vous l’accorde, je n’ai pas très bon caractère. Voire même je suis franchement pas facile à vivre et quand j’ai trop bu, je peux me faire méchante. Faut pas trop s’aventurer chez moi. Vous connaissez bien mon mal.Je bois. Je bois comme un trou. Tant que le ciel m’en donne j’avale. Forcément ça rend pas très sociable. Je suis « addict » à la flotte. J’aime ça, j’en ai un besoin vital. Je m’en remplis la panse dès que le ciel se met à pisser. Vous, ça vous agace. Vous vous mouillez les pieds, faut changer de chaussures, il fait froid, et en plus, quand je suis vraiment gorgée à bloc, je suis capable de vous engloutir. Votre tracteur, c’est même pas la peine d’en parler. L’a pas intérêt à pointer sa roue. Planté ! Et vous avec. Il vous faudra une journée au moins pour le sortir et là vous serez vraiment, vraiment à cran ! Mais que voulez-vous, je suis faite comme ça, il me faut de l’eau, toujours de l’eau. A côté de ça je sais être partageuse, voire généreuse. Je la bois toute cette eau, et je la garde ; quand vos ruisseaux ont vraiment soif, je partage. Je suis là les mois difficiles, quand c’est la sécade partout, vos poissons ils sont pas mécontents. Quand c’est l’orage de l’été, quelle fête ! Je bois, je bois tant et plus, et je dis à la flotte qui tombe fort « eh calme-toi petite, reste un peu dans mon ventre, avant d’aller dévaler dans la plaine. Doucement, on a le temps. Reste un peu ici, tu verras l’herbe elle va t’aimer ». Faut bien la calmer sinon, elle emporterait tout sur son passage. Alors elle reste un peu encore et tout le monde est content. Vous le savez d’ailleurs très bien tout ça. Mais au fond, ces soucis pratiques c’est pas le plus important. Si vous vouliez, vous le feriez ce petit effort pour me soigner. Au fond de moi je sais très bien ce qui vous empêche : je vous fais toujours peur. Et ça, quoi que vous en pensiez, moi ça me rend triste. D’un côté, avec ces cheveux hirsutes et plein de nœuds, je vous comprends un peu. J’ai l’air d’une vieille sorcière. Et quand le brouillard s’y met, ça me fait une cape de fantôme, j’en deviendrais presque inquiétante. Mais bon sang, c’est vous qui m’avez fait cette tête là ! C’est vous qui faites tout pour que je ne sois pas présentable, pas aimable. Et puis comme chez moi on s’enfonce vous vous demandez : si on y perd sa botte, est-ce qu’on ne va pas y perdre son âme dans un endroit pareil ? Je sais que ça vous trotte dans la tête ces idées là. Après tout qu’est-ce que je suis ? De l’eau ? Oui mais on la voit pas cette eau, combien y en a, d’où elle vient quand il pleut pas ? Tout est caché, ça se passe dedans, alors forcément, c’est pas clair cette histoire. De la terre ? Oui mais elle vous porte pas cette terre quand on marche dessus, elle a une drôle de couleur noire. Alors c’est quoi au fond ? Vous savez pas. Ou plutôt, vous savez pas dire, et quand on sait pas dire, on a peur. On peut pas me mettre dans une catégorie. Je suis compliquée. Comme une bonne femme, quoi. Et pourquoi pas une sorcière aux pouvoirs maléfiques, tant que vous y êtes ? Vous avez même inventé que je pourrais cacher des maladies. Vous savez au fond de vous que tout ça c’est des histoires. Je suis juste un peu originale dans votre montagne, je vous l’accorde, mais vous avez l’habitude des gens pas comme tout le monde ici, des gens pas pareil, je le sais bien, je vous vois faire. Passée cette petite crise, vous me reviendrez et je vous accueillerai dans mes bras généreux. Je le sais, l’enfant retrouvera le chemin. J’ai le temps.
L’eau de ma terre
Ouvrage de photographies, L’eau de ma terre réunit des portraits sensibles et délicats, de personnes engagées dans l’aventure singulière du Réseau Sagne, un réseau d’acteurs qui agissent pour la préservation des zones humides, que l’on appelle « sagne » dans le sud du Massif central.
Sagnes
Dans les montagnes du Sud du Massif Central, quand l’eau « source » de la terre et que les pieds sont mouillés, on parle de « sagnes ». Dans ces lieux où l’on va bottes aux pieds, des gens ordinaires tracent un chemin de vie singulier. Discrets, anonymes et pourtant hors du commun, ils façonnent en
silence une relation intime avec la nature que le monde moderne devrait apprendre à regarder, à écouter. Ici la solidarité est une réalité profonde, cultivée au quotidien. L’eau coule chez moi, puis chez le voisin, puis descend dans la plaine, alors je fais attention.
Dans ces montagnes austères, des hommes et des femmes œuvrent en silence pour préserver ce qui nous est essentiel à tous, l’eau dans la terre.
Ami, sors des sentiers tracés, et viens donc à la rencontre de ceux qui causent la Langue des Sagnes.
Livre de photographies
128 pages
Format : 17 x 24 cm
Prix : 19 €
n° ISBN : 978-2-9564914-0-8
Édition : Rhizobiòme
Photographe : Emilie FERNANDEZ
Texte : Céline RIVES-THOMAS
Illustration : Stuki-san
Mise en forme : Synellipse – Eric JOLY
Impression : Imprimerie Escourbiac – Graulhet